Le meurtrier de la douche, c’est lui – Hitchcock

Un film de Sacha GervasiHitchcock

avec Anthony Hopkins, Helen Mirren, Scarlett Johansson

Sortie le 6 février 2013

 

      En 1960, Alfred Hitchcock (Anthony Hopkins méconnaissable) est couronné de succès pour la sortie de son nouveau film d’horreur : Psychose. Plus personne ne prendra une douche de la même manière. A cette date, le réalisateur américain a déjà acquis une très grande renommée mais il veut sortir des sentiers battus et tourner un film comme personne n’a encore osé le faire. Les producteurs ne suivent pas, il va devoir se financer seul. De son côté, sa fidèle épouse Alma Reville (Helen Mirren excellente) prend ses distances avec ce nouveau projet et se lance dans l’écriture à quatre mains. Oui mais voilà, Hitchcock se voit confronté à une montagne d’obstacles, peut-il s’en sortir seul cette fois-ci ?

        Plus qu’un film sur le cinéma américain des années soixante, Hitchcock est un film sur les relations de couple. L’intrigue principale tourne autour des liens qui unissent le réalisateur et sa femme, Alma. D’un côté Hitchcock qui évolue dans un monde fantastique peuplé de femmes sensuelles qui ne devraient vivre que pour et par lui. De l’autre, Alma, une femme qui a les pieds sur terre lassée des relations imaginaires de son mari avec ses actrices favorites.

        Hitchcock est un homme de fantasmes. Les apparitions au réalisateur d’Ed Gein, le meurtrier du fait divers qui sert de base à l’intrigue de Psychose le prouvent. Plutôt que de s’adresser à l’un de ses amis ou de ses collaborateurs pour confier ses angoisses, il converse tout naturellement avec un assassin imaginaire. Sa vie entière tourne autour de ses films.

        Anthony Hopkins a parfaitement su reproduire les mimiques et attitudes du célèbre cinéaste, ce qui rend son personnage assez détestable. Il apparaît comme un gros bonhomme égoïste et égocentrique, un rien alcoolique et boulimique. Plutôt que d’entrer dans le monde de ses films, on entre dans son monde à lui qui est bien moins glamour mais tout aussi torturé. Psychose semble vraiment avoir marqué un tournant dans sa carrière cinématographique et dans sa vie personnelle. Il s’est enfin rendu compte de l’importance que sa femme avait pour lui mais aussi pour sa production artistique.

        Il ne se lançait jamais dans un projet sans avoir consulté Alma, c’est elle qui écrivait ou revoyait les scénarii, supervisait le montage… Elle se comportait comme l’ombre du célèbre Hitchcock, se rendant tout aussi essentielle. D’ailleurs sa première (vraie) apparition se fait dans le reflet d’un miroir en petite tenue mais dénuée de glamour.

        Bien qu’Hitchcock apparaisse comme un homme difficile à vivre, on reste impressionnés par ses talents cinématographiques. Alma résume bien cette idée, il a tous les défauts d’un homme mais il est attachant par son génie.

        Les personnages secondaires sont assez bons même s’ils ont assez peu de place pour s’épanouir et aucune autonomie par rapport au couple principal. Janet Leigh (alias Scarlett Johansson) représente le glamour d’Hitchcock et de Psychose. Elle se pose en femme parfaite : belle, gentille, actrice ayant mari et enfants. A travers Janet et Vera Miles (Jessica Biel), on découvre l’image de la femme moderne des années soixante. Hitchcock, comme beaucoup d’artistes, ne peut pas envisager qu’une femme puisse préférer son foyer et sa famille à l’un de ses films et à lui en quelque sorte. C’est pour cette raison qu’il malmène Vera Miles, il a le sentiment qu’elle l’a trahi alors qu’il n’y a jamais rien eu entre eux. Le sexagénaire est exclusif et possessif alors quand il voit sa fidèle épouse s’éloigner de lui pour soutenir un écrivaillon séducteur, il se sent d’autant plus seul.

        Le tournage particulier de Psychose sert de fil rouge à l’histoire et sa réalisation permet de découvrir les conditions de tournage de l’époque, entièrement en studio. On voit les décors, la mise en place des scènes, le casting. D’ailleurs la ressemblance entre James d’Arcy et son personnage Anthony Perkins qui interprète le tueur en série du film est assez troublante.

        On vit en direct le tournage de la scène de la douche prise en charge par Hitchcock lui-même, exaspéré du manque de conviction de Janet. On comprend l’effroi de la pauvre femme qui passe d’actrice glamour sous sa douche à la femme totalement horrifiée qui a traumatisé l’Amérique entière. C’est l’un des moments forts du film où on retrouve vraiment l’ambiance des films d’Hitchcock qui n’est pas du tout mise en valeur dans réalisation. Toute l’histoire se déroule dans un cadre idyllique avec force plans sur la plage sous le beau soleil de Californie. Le contraste entre vie quotidienne et tournage du film n’est pas du tout exploité, ce qui est un peu dommage.

        C’est un film assez réussi sur un homme de 60 ans qui se pose des questions existentielles sur son couple et son travail mais sans transports émotionnels. Le scénario n’est pas vraiment original, le film parle d’un couple où madame a besoin d’attentions tandis que monsieur est absorbé par son travail : alors elle va tenter sa chance avec un autre homme jusqu’à ce que son mari se rende compte qu’il a besoin d’elle. Et tout est bien qui finit bien. C’est une histoire relativement banale transposée sur des personnages peu banals et avec pour toile de fond le tournage de l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. C’est là que réside l’intérêt de Hitchcock, un biopic parmi d’autres.

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